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Dans l’obscurité, une voix nous parle. Richard nous raconte ce rêve qu’il réalise enfin.

Voler.

Depuis l’enfance il s’imagine que ses pouvoirs surnaturels se manifesteront un jour.

Alors il s’élance depuis la petite fenêtre.

Cette pièce prend corps dans l’espace de sa chute.

Une seconde.

Une seconde pour ouvrir le journal intime de Richard Durn, convoquer des souvenirs réels ou fantasmés, et plonger dans la psyché du tueur de Nanterre.

Nous sommes le 28 mars 2002, 10h30. Richard Durn se jette par la fenêtre de la salle d’interrogatoire du 36 quai des Orfèvres, et durant une seconde, dans sa tête, tout reprend vie, les personnages du quotidien, les rencontres d’un soir, les héros imaginaires se côtoient et s’entrechoquent pêle-mêle dans son espace intérieur : sa mère, son seul ami, la vendeuse d’armes, le professeur d’art dramatique, Roberto Zucco, l’amoureuse de Bosnie, Robocop, l’adjointe au maire et Brad Pitt.

De ce chaos de la pensée, extraire un sens, trouver une explication et peut-être les miettes d’une humanité dépiautée.

© JC Lemasson • Épinay-sur-Seine.

Le spectacle

En 2017, on ne peut s’empêcher de faire un lien avec les effrayants actes qui ont émaillé le fin verni de la société française ces deux dernières années. La question du terrorisme est ici posée. Comment passe-ton d’un prétexte prétendument humaniste à un acte sanguinaire ? Comment peut-on se rêver Gandhi et agir comme Kouachi ? Où git le mensonge ?

Et si le journal intime de Richard D n’était qu’une escroquerie cherchant à justifier un acte purement violent ? Nous aurait-il manipulé ? 

© JC Lemasson • Épinay-sur-Seine.

La pièce se passe dans un espace étrange.

Le lieu de l’imaginaire.

Le lieu du souvenir avec tout ce qu’il a d’approximatif, de fantasmé ou d’enrichi sur la réalité. Les êtres s’y dévoilent sous un jour particulier, subjectif, les lieux se juxtaposent comme dans les rêves, nous sommes à la fois sur un terrain vague et dans la cuisine d’un modeste appartement, dans un séjour cafardeux et sur le parking d’un night-club. La ville et ses fracas envahissent la chaleur rassurante d’un intérieur, lui transmettent leurs teintes exacerbées, couleurs criardes, lumières clignotantes, trottoirs luisants. La violence de la ville s’invite partout dans les obsessions monomaniaques du tueur.

Tout comme les lieux, les visages, les êtres eux-mêmes sont protéiformes, la mère devient l’amante, puis la collègue. L’ami devient le héros, puis le juge etc…

Que tous ces personnages ne soient joués que par trois comédiens, et que leurs changements d’aspects soient montrés, assumés, et nous voici dans les méandres de la pensée chaotique de Richard D. Le changement de costumes à vue n’est pas seulement un choix esthétique, il participe de la portée hautement onirique, de l’atmosphère irréelle de la pièce qui n’est autre que la vision hallucinatoire et confuse d’un être qui vit la dernière seconde de son existence.

© JC Lemasson • Épinay-sur-Seine.

© JC Lemasson • Épinay-sur-Seine.

Ne pas montrer le personnage principal...

Présent à chaque instant de la pièce, Richard D n’apparaît jamais sur scène. On ne le voit pas, on ne l’entend pas. Les personnages sur scène saisissent ses réponses comme s’ils voyaient un fantôme qui nous reste invisible. Nous ne devinerons les mots de Richard qu’en creux, par les réponses de ses interlocuteurs.

Le monstre doit rester dans le lieu de l’invisible. Lui donner chair ce serait dissiper son opacité et peut-être même l’absoudre.

Montrer le lieu de l’inconscient...

Une cage de verre trône au centre de l’espace scénique. Nous l’appelons la tour de contrôle, car elle est symboliquement le lieu où se prennent les décisions, où s’analysent les situations. Elle est aussi le lieu où se fabrique le spectacle à vue des spectateurs. On s’y dispute, on y enquête à la recherche d’une mémoire perdue, mais également on s’y maquille, on s’y change, on y crée en direct les atmosphères sonores à l’aide d’instruments de musique, de micros et de machines capables de mixer l’ensemble depuis la scène. Autour de cette tour de contrôle, les espaces vont s’ouvrir, se créer, apparaître et disparaître, les lieux vont se succéder mystérieusement. Le mystère de ces espaces successifs est soutenu par la collaboration avec  Arthur Chavaudret, pratiquant la « magie nouvelle » avec le collectif 14/20 et à qui il revient la charge de créer un sentiment d’apesanteur, comme si le réel nous échappait, comme si le temps stoppé net avait la capacité d’arrêter dans sa chute chaque objet et chaque être.

© JC Lemasson • Épinay-sur-Seine.

© JC Lemasson • Épinay-sur-Seine.

La musique reste le partenaire indéfectible de notre création. Par des samples retravaillés, mixés et même créés en direct par les comédiens eux-mêmes avec leurs voix, le bruit de leurs corps, le son des accessoires, l’espace sera envahi de sons. A dominante électronique, les mélodies naïves de l’enfance pourront aussi succéder aux grandes vagues hypnotiques et rythmées des samples gérés sur scène par ordinateur à l’aide de Pads préprogrammés.

© JC Lemasson • Épinay-sur-Seine.

Le soutien de Jacqueline Fraysse • Députée-maire honoraire de Nanterre

Quand Jean Christophe Dollé a pris contact avec moi pour me faire part de son projet et me demander si j'acceptais d'en parler avec lui, plusieurs sentiments m'ont animée : un mélange d'intérêt, d'interrogations et de craintes.
A priori, j'étais plutôt disponible à condition de ne pas entacher de "sensationnel" cet événement tragique encore si douloureux, de ne pas faire de Richard Durn un héros et de tenter d'être utiles à la réflexion.
J'ai d'emblée été rassurée sur la démarche et nous avons rapidement échangé, partagé.
Mais cela ne suffisait pas : comment allait-il parvenir à traiter les différents paramètres d'un sujet aussi complexe en préservant tous les équilibres ?
Jusqu'à ce que je vois la pièce, cette question est restée posée dans mon esprit.

Je tiens aujourd'hui à saluer, outre le travail fouillé et minutieux sur le dossier lui- même, un traitement subtil où le tueur n'apparaît jamais sur scène.
Il est comme "vaporisé" conduisant le spectateur à se concentrer sur les bruits et les sons, les voix et les mots, les pensées suscitées par et autour de l'homme, au fil de diverses situations.
Richard Durn est ici absent comme il l'a été pour nous : apparu brusquement un soir de Conseil municipal, il a tué, blessé, traumatisé, puis à disparu emmené par la police et nous ne l'avons jamais revu... Il s'est "envolé" sans nous parler, laissant derrière lui toutes les souffrances et toutes les interrogations qui nous taraudent bien au-delà de sa seule personne.
Cette pièce est une création originale et riche de lucidité, ô combien contemporaine, que je vous invite à ne pas rater.

Jacqueline FRAYSSE
Députée-maire honoraire de Nanterre


 

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